Plus de 70 investisseurs détenant des actions dans la société Amazon (parmi lesquels les Français La Banque Postale AM et Sycomore AM), et conduits par les groupes suédois Folksam et Öhman, ont adressé, le 9 février, une lettre à madame Jamie S. Gorelick, la présidente du comité des nominations et de la gouvernance du groupe. Dans cette lettre, ils appellent Amazon à mettre fin à son action antisyndicale et à rester neutre dans le cadre des élections qui débutent sur son site de Bessemer (Alabama) en vue d’instaurer une représentation syndicale. Les partisans de la création d’un syndicat doivent réunir 50 % et une voix des suffrages exprimés au terme de la consultation électorale qui prendra fin le 29 mars prochain. Il s’agit de la première tentative des travailleurs d’Amazon installés aux États-Unis de voter pour mettre en place un syndicat. La lettre précise qu’Amazon semble aller à l’encontre de ses propres principes mondiaux relatifs aux droits humains, publiés sur son site internet. Ces principes indiquent que la société respecte « le droit des employés d’adhérer, de former, ou de ne pas adhérer à un syndicat ou à une autre organisation légale de leur choix, sans crainte de représailles, d’intimidation ou de harcèlement ».
Une campagne antisyndicale a été engagée à travers des affiches, une avalanche de SMS et des réunions obligatoires pendant les heures de travail. Un site web a été créé pour dissuader les quelque 5 800 salariés du site de Bessemer de voter en faveur de la mise en place d’un syndicat et dans lequel on peut lire qu’avec la syndicalisation, il « ne sera pas facile d’être aussi serviable et social les uns envers les autres ». Le groupe a déclaré qu’il suivait les règles établies par le National Labor Relations Board (NLRB, l’agence chargée de la supervision des élections syndicales aux États-Unis) et qu’il a sensibilisé les employés pour les aider à comprendre les conséquences d’une adhésion à un syndicat. Ce genre de joute musclée dans le cadre de campagnes avec pour objectif de créer un syndicat est assez fréquent aux États-Unis. À l’inverse, l’intervention d’investisseurs dans le « débat » est plus rare mais pas inexistante. En 2002, le CFIE (l’éditeur de cette lettre d’information) avait accompagné une fédération syndicale américaine et des investisseurs financiers dans des cas un peu similaires qui se déroulaient dans des filiales de PPR (aujourd’hui Kering) aux États-Unis (IE n° 28). Il se pourrait pourtant qu’au fil des années, la bonne « santé syndicale » d’une entreprise paraisse de plus en plus incontournable aux acteurs intervenant dans le champ de l’ISR et de la RSE.