Le 12 janvier, dans une déclaration officielle, Joe Kaeser, président du comité de direction du groupe Siemens, a tenu à justifier le contrat signé le 10 décembre dernier par son groupe en vue de la fourniture d’un système de signalisation ferroviaire pour le très controversé projet de mine de charbon Adani Carmichael en Australie (voir IE). Les explications risquent fort de ne pas satisfaire les opposants à ce contrat, d’une part parce que la question environnementale est profondément ancrée dans la culture germanique et, d’autre part, parce le projet dont il est question est un symbole de la lutte mondiale contre le dérèglement climatique. L’assemblée générale de la société – qui doit se dérouler à l’Olympiahalle de Munich le 5 février prochain – risque donc d’être mouvementée, et ce d’autant plus qu’outre-Rhin, les assemblées sont le lieu de débats particulièrement soutenus et que l’assistance est souvent très nombreuse (6 000 actionnaires environ étaient présents l’an dernier). Du reste, plusieurs « contre-propositions » ont d’ores et déjà été adressées à la compagnie pour appeler les actionnaires à ne pas accorder leur quitus aux membres du comité de direction.
Dans son communiqué, Joe Kaeser rappelle les mesures engagées, depuis plusieurs années, par le groupe pour répondre au défi climatique, mais aussi l’absence de possibilité juridique de dénoncer le contrat. Cette explication ne devrait pas convaincre les défenseurs du climat dans la mesure où le montant du contrat, Joe Kaeser le reconnaît lui-même, est « très modeste » (18 millions d’euros) au regard du chiffre d’affaires de l’entreprise (87 milliards d’euros) et que les pénalités financières ne devraient pas affecter significativement le résultat. Le président poursuit en soulignant qu’il y avait d’autres concurrents pour cet appel d’offres et que si Siemens ne fournissait pas la signalisation, le projet serait néanmoins poursuivi. Mais là aussi, il est peu probable que l’argument soit reçu favorablement, une société ne pouvant faire valoir l’irresponsabilité de la concurrence pour s’affranchir de sa propre responsabilité. Joe Kaeser ajoute qu’il n’était pas au courant de l’existence du contrat, ce qui, dans un cas aussi emblématique – accentué par les tragiques incendies de forêt dans le pays – constitue, à tout le moins, une faille dans le dispositif de RSE de l’entreprise. Le communiqué insiste également sur les précautions adoptées au préalable pour s’assurer que le projet répondait aux exigences environnementales que le groupe s’était fixées et qu’il n’existait « pas de preuve manifeste que les feux de forêt et le projet étaient directement liés ». Pas directement peut-être, mais indirectement sûrement aux yeux de nombreux observateurs.
Rappelons enfin pour mémoire que le projet minier ne consiste pas simplement à extraire du charbon de ce qui pourrait être l’une des plus grandes mines mondiales. Ce projet ne peut exister que si le charbon est acheminé (voies ferroviaires, port…) et financé. L’assemblée générale du 5 février prochain permettra de vérifier la sensibilité des actionnaires de Siemens aux arguments des uns ou des autres. Il faudra, en particulier, observer l’attitude des grands investisseurs institutionnels, parmi lesquels des sociétés de gestion françaises comme BNP Paribas AM et Amundi.