Pour beaucoup, la protection des lanceurs d’alerte constitue un élément central de la défense de l’intérêt général. Jusqu’à présent, cette protection n’était pas assurée pleinement, comme de nombreux exemples l’ont montré au cours des dernières années : Irène Frachon (Médiator), Edward Snowden (écoutes de la NSA), Antoine Deltour (« LuxLeaks »). Quelques Etats de l’Union européenne sont munis de dispositifs destinés à protéger les lanceurs d’alerte, mais avec des restrictions. C’est le cas de la France, dont la loi du 30 juillet 2018 sur le secret des affaires donne une « définition large et floue » pouvant, selon une coalition d’associations et d’organisations syndicales, empêcher la révélation d’informations d’intérêt général. La France impose aussi, à travers la loi du 9 novembre 2016, une approche encadrée des procédures à suivre en matière de signalement : auprès du supérieur hiérarchique tout d’abord (canal interne), puis des autorités judiciaires ou administratives et des ordres professionnels en l’absence de réaction. Enfin, si aucune action n’a été entreprise dans un délai de trois mois, l’information peut être rendue publique. Le canal interne peut cependant être court-circuité « en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommage irréversible ».
La France et l’Allemagne ont tenté d’imposer cette vision de la « hiérarchie des canaux » au cours des négociations relatives à la directive européenne sur la protection des personnes dénonçant les infractions au droit de l’Union. Les eurodéputés n’ont pas validé leur demande. Le texte voté le 16 avril prévoit en effet une grande variété de cas où le lanceur d’alerte est protégé s’il transmet publiquement des informations sur des infractions (article 15). Par ailleurs, la protection prévue pour les lanceurs d’alerte s’applique non seulement aux salariés, mais aussi aux travailleurs indépendants, aux actionnaires, aux salariés des sous-traitants, aux personnes ayant aidé les lanceurs d’alerte, etc. Si le texte ne couvre que la dénonciation d’infractions au droit communautaire, il inclut, pour les questions touchant à la fiscalité (comme les pratiques d’optimisation fiscale, par exemple), les actes qui vont « à l’encontre de l’objet ou de la finalité de la législation applicable en matière d’impôt sur les sociétés ». Le texte a été salué par de nombreuses organisations syndicales et associatives comme une avancée majeure sur le terrain de la transparence et de la défense de l’intérêt général. Il entrera en vigueur dans un délai de deux ans.