L’Afrique représente toujours une part significative des activités du groupe Bolloré (2,6 milliards d’euros en 2017, soit 14 % du chiffre d’affaires total) : transport, logistique, manutention portuaire et exploitation de terminaux à conteneurs, salles de spectacles, audiovisuel, plantations… Cette présence est cependant contestée depuis longtemps du fait de l’activité du groupe dans le secteur du tabac à la fin des années 80 et 90, et des relations étroites que son propriétaire, Vincent Bolloré, entretient avec les milieux politiques français et africains. Ces relations intéressent aussi la justice française qui a mis en examen Vincent Bolloré le 26 avril 2018 (ainsi que Bolloré SA, le 12 décembre dernier) pour corruption d’agents étrangers, complicité d’abus de confiance, faux et usage de faux. La justice soupçonne le groupe d’avoir utilisé les activités de conseil politique de sa filiale Havas, exercées pour le compte de candidats aux élections présidentielles de Guinée (Alpha Condé) et du Togo en 2010, pour décrocher les concessions portuaires de Conakry (Guinée) et de Lomé (Togo) à travers une autre de ses filiales (SDV, aujourd’hui Bolloré Africa Logistics). Dans cette affaire, les juges soupçonnent Havas d’avoir sous-facturé ses services.
Cette épine dans le pied du groupe français a peut-être joué dans la décision sur le renouvellement de la concession du terminal à conteneurs du port autonome de Douala (Cameroun) qui arrive à expiration en décembre 2019. Le 8 janvier dernier, à la surprise générale, le directeur général du port a en effet annoncé la liste des cinq sociétés préqualifiées : le consortium franco-danois Bolloré-APM Terminals (qui détient pourtant l’exploitation du port depuis 2005) n’y figure pas. Outre la concurrence internationale de plus en plus exacerbée sur ce terrain, la catastrophe ferroviaire d’Eséka – à l’origine de 76 décès et pour laquelle onze employés et anciens employés de Camrail (une autre filiale de Bolloré) ont été déclarés coupables d’homicide, de blessures involontaires et d’activités dangereuses (voir IE) – a sans doute aussi pesé dans la décision.