Le jugement rendu, le 10 août dernier, par la justice américaine qui a condamné la société Monsanto à verser 289,2 millions de dollars à Dewayne « Lee » Johnson, un jardinier américain atteint d’un cancer du système lymphatique – qu’il attribue à son exposition à des produits de la société contenant du glyphosate – a, pour les investisseurs, « matérialisé » le risque environnemental. Les quelque 4 000 procédures semblables en instance laissent en effet planer la menace d’une avalanche de décisions similaires susceptibles de déstabiliser Bayer, le nouveau propriétaire de la firme américaine. Entre le 9 août et le 18 septembre, l’action du groupe allemand a, du reste, perdu près de 24 % de sa valeur.
Mais si l’ampleur d’un risque financier potentiel est un facteur déterminant pour l’intégration de la question environnementale dans la gestion d’un portefeuille, ce n’est pas le seul aspect à prendre en compte. D’une part, parce qu’il peut ne pas être perceptible de prime abord (neuf mois après l’annonce de l’achat de Monsanto par Bayer en septembre 2016, le titre Bayer avait progressé de plus de 34 %) et, d’autre part, parce qu’il dépend de la capacité du système judiciaire à traduire l’impact environnemental en risque financier significatif. En témoignent, par exemple, les très importantes différences de coût relevées par Saint-Gobain entre les Etats-Unis, la France et le Brésil, dans le cas de ses litiges liés à l’amiante. Dans ce type de contexte, comme dans d’autres, les pays émergents constituent, pour les sociétés multinationales, un danger bien plus faible que les pays développés.
Dans une autre affaire, une étude publiée le 18 septembre par l’association suisse Public Eye a révélé que près de 800 travailleurs agricoles du district de Yavatmal (Inde) ont été intoxiqués, entre juillet et octobre 2017, par les pesticides qu’ils épandaient dans des champs de coton. Une vingtaine d’entre eux sont décédés depuis et l’on dénombre plus de cinquante décès dans la région de Vidarbha. L’association a découvert que parmi ces pesticides figurait le Polo, un produit fabriqué par la société suisse Syngenta et contenant du diafenthiuron. Cette substance, produite à Monthey en Suisse, est interdite dans ce pays et dans l’Union européenne. Elle est donc exportée dans les pays du Sud, pour plus de la moitié en Inde. L’ONG s’insurge d’autant plus contre cette pratique que les agriculteurs qui utilisent ces produits toxiques sont, le plus souvent, dépourvus des équipements adéquats et peu informés des dangers encourus. Une enquête pour homicide volontaire a été ouverte à l’encontre de Syngenta en octobre 2017 par le ministère de l’Agriculture de l’Etat du Maharashtra.