Plus de vingt ans après les exactions commises par l’armée nigériane en pays ogoni (Nigeria), l’association Amnesty International rouvre le dossier de l’implication de la société anglo-néerlandaise dans les faits incriminés. Au début des années 90, une organisation, le Mouvement pour la survie du peuple ogoni (MOSOP), avait été créée, notamment pour protester contre la pollution de la région résultant de l’exploitation pétrolière. Face à ces manifestations, l’armée nigériane était intervenue brutalement à de nombreuses reprises commettant de nombreuses exactions (incendies de villages, viols, tortures, exécutions sommaires…). Ces exactions avaient atteint leur paroxysme avec l’exécution d’un des leaders du MOSOP, Ken Saro-Wiwa, et de huit de ses compagnons en novembre 1995. A la suite d’une nouvelle analyse de milliers de pages de documentation, parmi lesquelles des notes internes de la compagnie pétrolière, l’association indique que Shell a, à de nombreuses reprises, fait appel à l’armée dans le but de protéger ses installations tout en connaissant les faits dont celle-ci se rendait régulièrement coupable. Le rapport relève aussi que Shell a fourni un appui matériel et versé de l’argent à au moins un officier impliqué dans des opérations de terreur. Pour Amnesty, « une personne ou une entreprise peut être tenue pour pénalement responsable d’une infraction si elle l’encourage, la permet, l’aggrave ou la facilite, même sans en être l’auteur direct ». L’organisation estime donc qu’il y a matière à ouvrir une information judiciaire et elle appelle les autorités nigérianes, britanniques et néerlandaises à diligenter une enquête sur Shell pour complicité de meurtre, viol et torture. Si la démarche aboutit, elle pourrait ouvrir la voie à d’autres initiatives similaires visant des sociétés minières ou pétrolières qui auraient, pour développer ou poursuivre leurs opérations, fait appel à des autorités militaires tout en connaissant les abus auxquelles ces dernières se livraient (Birmanie, Colombie…).