A l’époque où le CFIE a décidé de créer Impact Entreprises, en mars 1997, les conditions de travail dans la chaîne d’approvisionnement des grandes marques, en l’occurrence celle d’Adidas, constituaient déjà l’un des principaux sujets abordés. En Europe, le mouvement visant à exiger des donneurs d’ordre qu’ils prennent en compte, dans leur politique, le respect des conditions de travail des ouvriers de leurs sous-traitants et fournisseurs a d’abord touché l’industrie des articles de sport au début des années 90, avant de s’élargir aux secteurs de l’habillement et de la grande distribution au milieu des années 90. En vingt ans, qu’est-ce qui a changé ? Tout d’abord, le périmètre d’observation des acteurs de la société civile : il s’est étendu pour concerner la plupart des activités qui s’adressent au grand public et, en premier lieu, les produits électroniques puis, progressivement, les activités B2B. Ensuite, les contrôles sur site : encore balbutiants il y a vingt ans, ils se sont multipliés afin de vérifier que les codes de conduite élaborés étaient bien respectés, codes de conduite aujourd’hui déclinés en chartes destinées aux acheteurs et aux fournisseurs. Pour autant, la situation dans les usines à bas coût de main-d’œuvre est toujours largement critiquée par les ONG et les syndicats, qui considèrent qu’elle ne s’est guère améliorée. La tragédie du Rana Plaza en 2013, l’une des pires catastrophes industrielles de l’histoire, qui a entraîné la mort de plus de 1 100 personnes travaillant pour l’industrie textile, l’atteste malheureusement.
S’appuyant sur les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT), les associations et les syndicats rappellent inlassablement que la liberté syndicale et l’octroi d’un salaire décent font partie des droits fondamentaux sans lesquels aucun développement n’est possible. Des principes encore rarement mis en exergue par les entreprises. Sur ces deux points, le groupe H&M a toutefois annoncé, le 21 février, qu’il voulait garantir l’élection de représentants des salariés et des salaires décents chez ses principaux fournisseurs d’ici à 2018. Il s’agit d’une nouvelle étape de la société en ce qui concerne sa chaîne d’approvisionnement, après l’annonce, en 2013, de sa volonté de garantir un salaire de subsistance à 850 000 salariés de ses sous-traitants (voir Impact Entreprises n° 183). Dans son annonce, H&M insiste aussi sur la défense des conditions de travail des femmes, qui représenteraient 64 % des employés de ses sous-traitants, afin de réduire les discriminations et la précarité professionnelle dont elles sont victimes.
Mais en vingt ans, le périmètre géographique où les articles textiles sont produits s’est également considérablement élargi, les sous-traitants d’hier ayant eux-mêmes délocalisé leur production, comme l’atteste la construction d’une usine en Ethiopie par le groupe bangladais DBL (voir Impact Entreprises n° 238) ou l’implantation de l’entreprise chinoise Hangzhou Hundred-Tex Garment au Myanmar (Birmanie), un pays dont le début d’ouverture démocratique attire les investissements, mais aussi les mises en garde de la part de la société civile. C’est du reste dans ce pays que se déroule depuis le début de l’année l’un des plus sévères conflits chez un sous-traitant de H&M. Cette constatation a pu être faite grâce au considérable essor des organismes de surveillance à travers le monde, mais aussi grâce à une autre avancée, à savoir la publication de la liste de leurs fournisseurs par certaines marques, comme H&M ou GAP. Certes, les progrès sont désespérément lents et sans cesse remis en question par des reconfigurations de la géographie mondiale du travail. La solution ne serait-elle pas finalement de passer par une accélération de la transparence afin de faciliter la contribution des ONG et des syndicats au regard de leur rôle de surveillance ?