En Australie, un projet minier détruit un site ancestral vieux de 46 000 ans

Les droits des peuples autochtones sont des droits fondamentaux. S’ils ne concernent qu’une petite partie de l’humanité, celle-ci n’est cependant pas négligeable, puisqu’elle compte 370 millions de personnes selon l’Unesco. Toujours selon l’Unesco, ces peuples représentent plus de la moitié de la diversité culturelle mondiale. Leur contribution à la conservation des territoires et des espaces naturels est incontestable et d’autant plus importante que la question des relations entretenues par l’être humain avec la nature se pose aujourd’hui avec force. Ces populations sont souvent contraintes de quitter leurs terres pour des raisons économiques et elles bénéficient rarement de compensations suffisantes. Le 26 mai 2017, la Cour africaine des droits de l’Homme et des Peuples avait jugé que le Kenya avait violé le droit des Ogiek à vivre dans la forêt de Mau, dans la vallée centrale du Rift, en tentant de les expulser de la région. Jusqu’ici, les tentatives pour résoudre le problème par la nomination de divers groupes de travail gouvernementaux ont échoué. Aujourd’hui, les Ogiek doivent faire face au harcèlement et aux menaces d’expulsion de la part des autorités forestières pour des raisons de conservation de l’environnement.

Très loin de là, en Australie, une grotte située dans les gorges de Juukan a été détruite le 24 mai dans le cadre de l’expansion d’une mine de fer exploitée par la société Rio Tinto. Ce lieu était considéré comme un site ancestral sacré par ses actuels propriétaires traditionnels, les Puutu Kunti Kurrama et les Pinikura. Il témoignait de 46 000 ans d’occupation continue, ce qui en faisait le seul site intérieur d’Australie à présenter des signes d’occupation humaine ininterrompue durant la dernière période glaciaire. Des cheveux humains tressés, vieux de 4 000 ans, ont par ailleurs été découverts. Les tests ADN ont prouvé qu’ils appartenaient aux ancêtres directs des propriétaires traditionnels du site. Les représentants des peuples autochtones déplorent de ne plus pouvoir montrer aux générations futures le lieu où leurs ancêtres ont vécu depuis 46 000 ans.

La société minière avait reçu l’autorisation de détruire ou d’endommager le site en 2013 en vertu de lois obsolètes sur le patrimoine aborigène de l’Etat d’Australie-Occidentale. Un an après cette autorisation, des fouilles archéologiques destinées à sauver tout ce qui pouvait l’être ont attesté que le site était deux fois plus ancien que prévu et riche de plus de 7 000 objets fabriqués par l’homme, y compris des objets sacrés. Mais la loi actuelle sur le patrimoine autochtone ne permet pas de renégocier un consentement sur la base de nouveaux renseignements. Un nouveau projet de loi sur le patrimoine culturel autochtone, retardé par la crise sanitaire, est cependant en préparation. Il prévoit que les accords entre les propriétaires traditionnels et les promoteurs incluront un processus pour examiner les nouvelles informations susceptibles d’être révélées et permettra aux parties de modifier les accords par consentement mutuel. Peu après son opération, le géant minier a exprimé ses regrets auprès des propriétaires traditionnels pour la détresse qu’il leur avait causée, affirmant qu’il examinait de toute urgence les mesures à mettre en œuvre pour d’autres sites de la région. Mais le 30 mai, les représentants des Puutu Kunti Kurrama et des Pinikura ont contesté la déclaration de la compagnie qui assurait qu’ils n’avaient pas exprimé clairement leurs préoccupations au sujet de la préservation du site. Ils affirment au contraire que l’entreprise avait été informée en octobre dernier de l’importance des abris sous roche. Elle leur aurait alors répondu qu’elle n’avait pas l’intention d’étendre la mine Brockman 4. Et c’est seulement le 15 mai, lorsqu’ils ont cherché à accéder à la zone pour la semaine de célébration NAIDOC – qui devait, normalement, se dérouler en juillet prochain – qu’ils ont découvert la décision de la compagnie.