L’augmentation du nombre de barrages pourrait réduire d’un tiers la biodiversité en eau douce

Si les barrages ont une utilité certaine pour l’irrigation et la production d’électricité, ils suscitent également de nombreuses controverses, surtout lorsqu’ils sont de grande taille : déplacements de population, destruction de la biodiversité, surcoûts, projets ne répondant pas aux besoins des populations locales… De nombreux ouvrages ont été l’objet de telles polémiques au cours des vingt dernières années : Narmada en Inde, Trois-Gorges en Chine, Nam Theun au Laos, Belo Monte au Brésil, etc. Pourtant, avec l’accroissement des besoins en énergie et la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, la construction de barrages pourrait exploser dans les années à venir. Un article publié le 8 janvier dans la revue Science et signé par trente-neuf chercheurs (« Balancing Hydropower and Biodiversity in the Amazon, Congo, and Mekong ») alerte sur les dangers liés à l’accroissement du nombre de ces ouvrages. Les auteurs précisent que 450 barrages environ sont planifiés sur les trois bassins cités dans leur article (Amazone, Congo, Mékong) et qu’ils pourraient réduire d’un tiers la biodiversité dulcicole, notamment en freinant la migration des espèces, souvent nécessaire à leur reproduction, et ce en dépit des passes à poissons aménagées lors de la construction. Celles-ci ont, selon les auteurs, montré leur inefficacité en réduisant notamment les habitats inondables, qui constituent des lieux de reproduction et d’alimentation essentiels pour les poissons.

Et le changement climatique pourrait sérieusement affecter l’efficacité des centrales électriques

De leur côté, des chercheurs de l’International Institute for Applied Systems Analysis (IIASA), en Autriche, et de l’université de Wageningen (Pays-Bas) tirent le signal d’alarme, dans un article publié le 4 janvier dans la revue Nature Climate Change, sur les impacts des changements climatiques sur l’efficience des centrales hydroélectriques et thermoélectriques. Selon l’étude, qui porte sur 24 515 centrales hydroélectriques et 1 427 usines thermoélectriques, la réduction de la disponibilité des ressources hydriques et leur réchauffement pourrait affecter la capacité de production d’électricité de plus de 60 % des centrales dans le monde à partir de 2040-2069. Autrement dit, la production des stations hydroélectriques pourrait baisser de 3,6 % et la capacité mensuelle de la plupart des usines thermoélectriques chuter de 50 % d’ici aux années 2050. Certains symptômes sont déjà visibles. Ainsi, la ministre zambienne de l’Energie, Dora Siliya, a-t-elle récemment exprimé son inquiétude au sujet du barrage de Kariba (sur le fleuve Zambèze). En effet, à la date du 28 décembre, son réservoir, l’un des plus grands du monde, était rempli à 14 % contre 51 % à la même époque en 2014, générant une baisse de la production de 50 %.