Appropriation des terres : la Deutsche Bank et la SFI impliquées au Cambodge et au Laos ?

En novembre dernier, le Parlement européen avait voté une proposition de résolution demandant au gouvernement cambodgien de faire cesser les expulsions forcées résultant de l’attribution de “ concessions économiques ” (voir Impact Entreprises n° 159) et il avait appelé la Commission à mettre fin au système de préférence “ tout sauf les armes ” en cas de violations avérées. Un nouveau rapport de l’association Global Witness indique que le Cambodge aurait transformé en concessions économiques près des trois quarts de ses terres arables, dont 80 % sont destinées à des plantations d’hévéa, 14 % de cette production étant exportée vers le Vietnam. Le rapport souligne aussi que 70 % des terres détenues seraient situées dans des parcs nationaux, des sanctuaires naturels ou des forêts protégées. Le Vietnam, qui est le quatrième exportateur mondial de caoutchouc, est de plus en plus présent dans ce pays ainsi qu’au Laos.

Selon l’association, deux entreprises vietnamiennes, Huang Anh Gia Lai (HAGL) et Vietnam Rubber Group (VRG), bénéficieraient du soutien de la Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale, et de la Deutsche Bank à travers des participations, directes ou indirectes par l’intermédiaire de fonds de participation, dans le capital de ces deux sociétés. Ces dernières détiendraient 200 000 hectares au Cambodge et au Laos, dont une partie située dans des forêts protégées. Les enquêtes effectuées sur le terrain montrent que les populations sont fréquemment l’objet de déplacements forcés, qu’elles ne reçoivent aucune compensation et subissent souvent des violences en cas de résistance. La SFI a reconnu qu’elle disposait d’une participation dans HAGL, alors que la Deutsche Bank assure qu’elle n’est que mandataire du fond incriminé.

Cette affaire est révélée alors que deux cents fermiers cambodgiens ont entamé une action en justice devant la Haute Cour britannique contre la société spécialisée en ingrédients alimentaires Tate & Lyle. Les plaignants accusent cette société d’avoir acheté du sucre de canne à des entreprises qui avaient cultivé la canne à sucre sur des terres octroyées “ illégalement ” sans consultation préalable des populations résidentes, en contradiction avec la loi cambodgienne, et réclament à Tate & Lyle des indemnisations qui avoisinent 10 millions de livres sterling.

http://www.globalwitness.org/sites/default/files/library/Rubber_Barons_lores_0.pdf