Un reportage sur les conditions de travail chez les sous-traitants de la marque SheIn alimente le plaidoyer pour des salaires décents à l’échelle mondiale

Dans son documentaire Untold: Inside the Shein Machine diffusé le 17 octobre 2022, la chaîne britannique Channel 4 a révélé que, dans certaines usines chinoises de la chaîne d’approvisionnement de la marque de mode Shein, les ouvriers gagnent au maximum l’équivalent de 500 livres par mois (574 euros) pour produire 500 vêtements par jour. D’autres, qui n’ont pas de salaire de base, sont payés 0,27 yuan (4 centimes d’euro) par vêtement produit. Les salariés peuvent également voir leur rémunération journalière réduite des deux tiers s’ils commettent une erreur. Ils peuvent travailler jusqu’à 17 heures par jour et ne disposent que d’une seule journée de repos par mois. Toujours plus de nouveautés (en 2021, la marque aurait lancé 300 000 modèles différents aux États-Unis), des articles mis toujours plus vite sur le marché, toujours moins cher : ces principes ont fait de Shein l’entreprise de la mode éphémère dont la croissance est la plus rapide au monde. En novembre 2021, l’association suisse Public Eyes avait déjà publié une étude dans laquelle elle dénonçait les conditions de travail désastreuses des ouvrières et des ouvriers embauchés chez les sous-traitants de la firme chinoise.

Quelques mois auparavant, le 1er juin 2022, la Commission européenne a enregistré une initiative citoyenne européenne (ICE) intitulée « Good Clothes, Fair Pay » (« Bons vêtements, salaire décent »). Cette initiative demandait à la Commission de proposer une législation pour obliger les entreprises du secteur de l’habillement et de la chaussure à exercer un devoir de vigilance en ce qui concerne les salaires minimums vitaux dans leurs chaînes d’approvisionnement. Les organisateurs de l’initiative disposent d’un délai de 6 mois, à partir du 1er juin, pour commencer à recueillir des signatures. Si, en l’espace d’un an, l’ICE récolte 1 million de déclarations de soutien provenant d’au moins 7 États membres, la Commission devra s’exprimer. Elle pourra alors choisir de faire droit ou non à la demande et, dans tous les cas, sera tenue de motiver sa décision.

Cette initiative aborde une question cruciale et récurrente dans le champ de la responsabilité élargie des entreprises : celle du salaire vital (living wage). Le 14 septembre 2022, le Parlement européen a approuvé une résolution en vue d’adopter la directive du Parlement européen et du Conseil relative à des salaires minimaux qui permettraient aux travailleurs de mener une vie décente. Mais, à l’instar des préoccupations relatives à la « déforestation importée », l’ICE veut lutter contre « l’exploitation des travailleurs importée ». Elle vise de cette manière à enrayer les débordements observés depuis plusieurs décennies dans le secteur du textile, de l’habillement et de la chaussure à la suite de la délocalisation agressive d’activités dans les pays en développement.

En France, la communauté financière responsable s’intéresse de plus en plus à ce sujet. Ainsi, le Forum pour l’Investissement Responsable (FIR) a interpellé l’ensemble des sociétés du CAC 40 sur la question du salaire décent à l’occasion de leurs assemblées générales. Cette problématique intervient pour la deuxième année consécutive. Le FIR avait en effet estimé que les réponses obtenues en 2021 n’avaient pas atteint un niveau satisfaisant.