Les banques asiatiques prennent peu en considération les mauvaises pratiques sociales dans le secteur agroalimentaire

L’agriculture tient une place majeure dans de nombreuses économies émergentes d’Asie. Huit pays de l’Asean sur dix dépendent de l’agriculture. Environ trois cent cinquante millions de petits exploitants agricoles produisent l’essentiel de la nourriture consommée dans la région. Avec la croissance rapide du secteur, les problèmes sociaux sont devenus endémiques. L’esclavage moderne, le travail des enfants, l’inégalité entre les sexes, le travail informel et précaire, les bas salaires, les conditions de travail dangereuses et la discrimination sont répandus dans l’agro-industrie de la région. De plus, les femmes et les autres groupes marginalisés sont victimes de discrimination dans l’accès à la terre, au capital, aux intrants agricoles, à l’information et à la formation.

Les banques sont une source importante de capitaux pour les entreprises agroalimentaires en Asie. Un rapport du collectif d’ONG Fair Finance Asia (FFA) a donc évalué les politiques sociales externes de cinquante-quatre institutions financières asiatiques présentes dans huit pays d’Asie (Cambodge, Inde, Indonésie, Japon, Laos, Malaisie, Pakistan, Philippines, Singapour, Thaïlande et Viêt Nam) qui accordent des financements aux sociétés agricoles. Trois banques françaises avec une importante influence dans la région sont citées (BNPP, BPCE et CM-CIC), mais n’ont pas été évaluées. Ce rapport a été réalisé en collaboration avec le Gender Transformative and Responsible Agribusiness Investments in Southeast Asia (GRAISEA).

Le document relève que les questions sociales sont très mal intégrées dans les politiques de développement durable des banques. L’égalité entre les sexes, notamment, demeure un angle mort. La plupart des institutions financières jaugées (90 %) ne donnent pas d’informations sur la manière dont la question du genre, et en particulier le droit des femmes, est traitée dans le cadre de leurs relations avec les clients ou les entreprises bénéficiaires. Lorsque ces questions sont évoquées, le respect des exigences formulées par les banques reste volontaire et peu exigeant. Les banques étrangères, par exemple, remplacent ces exigences par les cadres réglementaires nationaux, souvent moins stricts dans l’encadrement des pratiques sociales.

Les banques peuvent pourtant jouer un rôle clé en demandant l’abandon des pratiques socialement néfastes dans l’agriculture et le secteur de l’alimentation. Australian and New Zealand Bank Group Limited (ANZ Group) a, par exemple, été critiqué pour sa relation avec Phnom Penh Sugar au Cambodge dans la construction d’une usine de raffinage de sucre. Le projet avait conduit six cent quatre-vingt-une familles à être expulsées de leurs terres. Elles avaient été indemnisées par des compensations dérisoires. En février 2020, ANZ a reconnu ne pas avoir respecté sa propre politique sur les droits humains et a accepté d’indemniser les familles (IE n° 318). Mais mieux se concentrer sur l’inclusion financière consiste aussi à soutenir les petites entreprises, car elles tendent à adopter des pratiques plus durables que les grands groupes. La demande de financement des petits exploitants dans la région s’élèverait à environ cent milliards de dollars par an. Moins d’un tiers de cette demande serait actuellement satisfaite, selon le WWF.