Les Ouïgours de France portent plainte contre Nike pour « pratiques commerciales trompeuses »

La révélation par le New York Times, en novembre 2019, de l’internement de centaines de milliers de Ouïgours et autres musulmans dans la région du Xinjiang (Chine) et de leur asservissement à des travaux forcés a créé une onde de choc internationale (IE n° 312). Des entreprises ont été interpellées sur l’origine de leurs marchandises. Certains gouvernements ont décidé de renforcer leurs législations pour interdire l’importation des produits en provenance du Xinjiang ou soupçonnés d’avoir été fabriqués sous la contrainte. Aux États-Unis, un projet de loi (Uyghur Forced Labor Prevention Act) a été adopté en ce sens par la Chambre des représentants en septembre 2020. Mais il a été rejeté par le Sénat. Le projet a été réintroduit le 28 janvier dernier. De son côté, le parlement canadien a adopté le 22 février 2021 une motion non contraignante reconnaissant que le traitement infligé par la Chine à la minorité musulmane ouïgoure dans la région du Xinjiang constituait un génocide. Mais ces projets de réglementations restent pour le moins timides, à l’instar de celui envisagé par le gouvernement britannique (IE n° 337), et sont l’objet d’action de lobbying de la part de certaines entreprises.

Nike fait partie des entreprises qui ont fait pression sur le Congrès américain au cours de la précédente législature pour affaiblir le projet de loi étatsunien. Le 24 février dernier, l’association des Ouïgours de France a déposé une plainte contre Nike devant le tribunal judiciaire de Paris pour « pratiques commerciales trompeuses » et « complicité de recel de biens provenant de travail forcé ». L’ONG estime que la société a bénéficié du travail forcé des populations ouïgoures et que les consommateurs ont été trompés par l’entreprise, car celle-ci dispose d’une déclaration sur le travail forcé, d’un code éthique et diffuse des publicités qui la présentent comme soucieuse des droits humains. Ce type d’action judiciaire, qui entend faire ressortir le décalage entre les propos et les « engagements » tenus par des entreprises d’une part, et la réalité d’autre part, peine encore à aboutir devant les tribunaux, comme le montrent les tentatives successives engagées par des organisations françaises à l’encontre de la société Samsung (voir IE). Néanmoins, le mouvement prend de l’ampleur. Ainsi, après plus de six années d’actions judiciaires, Samsung a finalement été mise en examen le 17 avril 2019. Le 10 septembre 2020, c’est l’association de consommateurs UFC-Que Choisir qui a déposé, pour les mêmes motifs, une plainte contre l’entreprise coréenne devant le tribunal judiciaire de Paris.