Conduits par l’organisation britannique ShareAction, des investisseurs qui détiennent 215 milliards de dollars d’actifs avaient déposé une résolution en janvier, en vue de l’assemblée générale annuelle d’Unilever de mai. La coalition invitait le groupe à se fixer des objectifs ambitieux de vente de produits plus sains. À la suite de cette initiative, la firme a déclaré qu’elle allait travailler sur cette question avec ShareAction. La résolution a donc été retirée.
Encouragés par ce succès, des investisseurs qui gèrent 3 000 milliards de dollars d’actifs ont exhorté les entreprises agroalimentaires Nestlé, Danone, Kraft Heinz et Kellogg’s à fournir de nouvelles informations et à déterminer de nouveaux objectifs en matière de santé. Ils ont écrit aux conseils d’administration des sociétés en amont de leurs assemblées annuelles pour leur faire part de leur inquiétude au sujet de la nutrition et de l’obésité. Pour ShareAction, les tendances réglementaires et l’attrait des consommateurs pour des produits plus sains doivent conduire les entreprises alimentaires à considérer la santé comme un facteur de risque de plus en plus important. L’organisation souligne que les rapports des sociétés évoquent le changement climatique, les plastiques, la biodiversité, etc., mais abordent trop succinctement la nutrition et la santé.
Dans leurs lettres, les investisseurs ont comparé les évaluations faites de leurs produits par les entreprises elles-mêmes et celles réalisées par l’organisation Access To Nutrition Initiative (ATNI). Nestlé déclare ainsi qu’en 2019, 80,5 % de ses ventes d’aliments et de boissons grand public répondaient aux critères de la Nestlé Nutritional Foundation. De son côté, l’ATNI évalue cette proportion à 43 %. Pour Danone, 90 % de ses ventes sont « saines » ; pour la fondation, ce taux ne s’élève qu’à 65 %. Kraft Heinz estime pour sa part que 76 % de ses ventes sont conformes à ses objectifs nutritionnels, mais l’ATNI les jauge à 39 %. Enfin, Kellogg’s ne rend pas compte du profil de ses ventes d’un point de vue de la santé. L’ATNI affirme que seules 27 % des ventes du groupe répondent aux définitions du gouvernement.
L’assemblée générale de Danone s’est déroulée le 26 avril 2022. Elle a confirmé que le sujet de la santé était en retrait par rapport aux autres thèmes relatifs à la responsabilité élargie du groupe, traités par les actionnaires et les investisseurs. Les questions écrites qui ont spécifiquement ciblé la firme ont ainsi porté sur les sujets suivants : l’empreinte plastique du groupe ; les emballages réutilisables ; la pollution par les gobelets de la marque AQUA en Indonésie ; les conséquences de la directive européenne sur le reporting extrafinancier des entreprises ; les répercussions sociales et sociétales de la rupture de contrat avec quatre-vingt-neuf producteurs de lait biologique dans le nord-est des États-Unis ; et son plan pour aligner ses objectifs sur une trajectoire de réchauffement de 1,5 °C.
Au 10 mai 2022, dix-huit réunions d’actionnaires d’entreprises du CAC40 ont déjà eu lieu, et vingt-six actionnaires différents se sont exprimés par écrit. Ils représentent un total de près de trois cents questions. Historiquement, Danone reste une société très sollicitée. Pour la saison 2022 des assemblées générales, elle a ainsi comptabilisé l’intervention de cinq actionnaires différents, pour dix-huit questions écrites en tout.