Des chercheurs émettent des doutes sur les engagements de neutralité carbone de la compagnie pétrolière australienne Santos Ltd

Le rapport 2022 sur le changement climatique publié par la compagnie pétrolière australienne Santos Ltd s’appuie largement sur les technologies de captage du carbone et sur l’hydrogène bleu pour atteindre ses objectifs de réduction d’émissions. Une étude réalisée par l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA) remet en cause les ambitions du groupe. En effet, malgré son engagement d’arriver à la neutralité carbone, Santos a augmenté ses émissions de GES de 53 % sur la dernière période enregistrée et de 94 % au cours des cinq dernières années.

Mais l’étude fait aussi remarquer que l’important budget de dépenses en capital prévu par le groupe en 2022 sera principalement consacré à des projets d’expansion pétrolière et gazière, dont le nouveau projet Barossa. La plupart des émissions de CO2 de ce champ proviendront de la combustion. Or, les procédés de captage du CO2 post-combustion ne sont actuellement pas économiquement viables. De plus, le recours au captage du carbone est une technologie ancienne dont le taux d’échec est élevé. Pour les auteurs, il s’agit d’une feuille de vigne destinée à masquer la hausse des émissions dans l’industrie pétrogazière. L’usine de captage, d’utilisation et de stockage du carbone (CUSC) de Shute Creek (ExxonMobil) ainsi que l’installation de captage et de stockage du carbone (CSC) de Gorgon (Chevron) sont deux des plus grands projets de captage du carbone au monde et ont largement sous-performé leurs objectifs. Le document souligne également que, selon certaines études scientifiques récentes, l’hydrogène bleu (qui intègre un processus de captation du carbone) peut produire plus d’émissions que la simple combustion du gaz.

Les chercheurs concluent que les nouveaux projets pétroliers et gaziers du groupe ne sont compatibles avec aucun scénario visant la neutralité carbone d’ici 2050. Cette perspective est d’autant plus inquiétante que l’industrie pétrolière et gazière semble systématiquement sous-déclarer ses rejets. L’Agence internationale de l’énergie a ainsi affirmé que les émissions de méthane du secteur de l’énergie étaient de 70 % supérieures aux chiffres annoncés.

Ces informations pourraient semer le doute dans l’esprit des bailleurs de fonds. Elles vont sans doute conforter le choix de la banque d’import-export de Corée du Sud (Kexim) qui a reporté sine die son accord sur une facilité de crédit de trois cent trente millions de dollars pour financer le projet offshore Barossa. La décision de la banque est intervenue après une plainte déposée par des autochtones australiens. Fin mars, des insulaires des îles Tiwi ont porté plainte auprès du tribunal du district central de Séoul contre Kexim et la Korea Trade Insurance Corp K-Sure pour les empêcher de financer le projet Barossa. Ils affirment que Santos ne les a pas consultés à propos de la construction d’un gazoduc sous-marin de trois cents kilomètres allant du champ gazier à une usine de traitement de gaz naturel liquéfié à Darwin.

Les investisseurs pourraient eux aussi être troublés par tous ces éléments. Le 3 mai prochain, le conseil d’administration de Santos proposera au vote de ses actionnaires un projet de résolution – à titre consultatif – dans le but de soutenir l’approche de transition climatique décrite dans son rapport de 2022 sur le changement climatique. Pour le groupe qui fait l’objet d’un scepticisme certain de la part de ses actionnaires, le résultat du scrutin, même consultatif, est déterminant.