Rémunération des dirigeants : la fronde des actionnaires s’amplifie, mais n’est-il pas trop tard ?

En France, la première partie de la saison des assemblées générales (AG) a été marquée par le rejet de la rémunération du président-directeur général de Renault, Carlos Ghosn, lors de l’AG de la société le 29 avril. Un vote consultatif. Le conseil d’administration a pris acte de l’avis des actionnaires, mais il a validé le salaire de 7,2 millions d’euros. Le 4 mai, c’était au tour des actionnaires de Sanofi de s’insurger contre la rémunération du patron du groupe (16,7 millions), mais avec 37 % des voix seulement, l’Etat français n’étant pas actionnaire de la société (alors qu’il détient une part substantielle des droits de vote de Renault).

Si l’indignation d’une partie des actionnaires face à l’évolution extravagante de la rémunération de certains dirigeants n’est pas nouvelle, elle a pris de l’ampleur depuis le déclenchement de la crise de 2007-2008. Depuis deux ans, l’organisation américaine As You Sow publie un rapport intitulé The 100 Most Overpaid CEOs. En tête de classement, le président-directeur général de Discovery Communications, qui touche… 156 millions de dollars. Plus près de nous, Henry Wynn, Professeur émérite à la London School of Economics (LES), Max Steuer et Peter Abell, Lecteurs émérites à la LSE, ont écrit, dans un document de recherche publié à l’automne 2015 sur la base d’interviews réalisées auprès de responsables des dix plus importants cabinets de recrutement de dirigeants internationaux, que toutes les personnes interrogées étaient d’accord sur le fait que les bases de la négociation pour les rémunérations étaient arbitraires et fixées à des niveaux inappropriés.

Pour en revenir à Renault, en 2003, le P-DG, Louis Schweitzer, avait reçu 1,98 million d’euros (hors options d’achat d’actions). Le résultat net consolidé de Renault était alors de 2,48 milliards d’euros, le résultat par action de 9,32 euros et le nombre de salariés atteignait 130 740 personnes. En 2015, Carlos Ghosn recevra pour son « mi-temps » (puisqu’il est aussi P-DG de Nissan) 3,07 millions (hors actions de performance) pour un résultat net consolidé de 2,82 milliards, un résultat par action de 10,35 euros et 120 136 salariés. Face à ce mouvement, les actionnaires ne sont plus certains que leurs intérêts et ceux des dirigeants soient alignés et la réaction s’amplifie. Ainsi, tout récemment, le fonds souverain norvégien, le plus important du monde, a décidé que sa position, qui consistait à ne pas interférer dans les rémunérations des dirigeants, n’était plus tenable et indiqué qu’il cherchait à cibler publiquement une première société dans les mois à venir. Mais la réaction n’est-elle pas déjà trop tardive pour réhabiliter les grandes entreprises dans l’opinion ?

http://www.asyousow.org/wp-content/uploads/report/The-100-Most-Overpaid-CEOs_2016.pdf