La Securities and Exchange Commission limite sérieusement l’engagement actionnarial

Le débat en assemblée générale d’actionnaires est une option fondamentale pour faire progresser certaines thèses au niveau de la gouvernance. Le dépôt de projets de résolution à l’ordre du jour d’une assemblée renforce ce débat, dans le sens où il interpelle l’ensemble des actionnaires à travers un vote sur des questions très précises. Aux Etats-Unis, cette pratique existe depuis longtemps, favorisée par une certaine habitude des modes d’action engagés, mais aussi par les facilités offertes par la législation aux actionnaires modestes pour l’inscription de projets de résolution à l’ordre du jour des assemblées. Ainsi, dans ce pays, les actionnaires déposent, chaque année, quelque 300 projets de résolution sur des sujets ESG (sociaux, environnementaux, gouvernance). Mais en avril 2017, l’administration Trump a commencé à poser des jalons pour réformer le système (IE n° 258). En dépit d’une opposition marquée des actionnaires activistes, mais aussi de nombreuses sociétés de gestion, l’organisme américain de réglementation des marchés financiers, la SEC (Securities and Exchange Commission), a annoncé le 23 septembre 2020 de nouvelles règles qui restreignent drastiquement la possibilité pour des actionnaires de déposer des projets de résolution.

Jusqu’à présent, pour déposer un projet de résolution, un actionnaire devait détenir au moins 2 000 dollars en actions de la société pendant au moins un an. En vertu des nouvelles règles, les actionnaires devront posséder 25 000 dollars en actions pendant au moins un an ou 2 000 dollars pendant au moins trois ans. Du coup, cela limitera l’accès des petits actionnaires à cette initiative et réduira très fortement la richesse et la diversité des interventions. En outre, le nouveau règlement rendra beaucoup plus difficile le dépôt d’un projet ayant déjà été proposé au vote lors d’une précédente assemblée. Pour pouvoir soumettre à nouveau une proposition, la précédente règle exigeait qu’elle ait recueilli 3 % des suffrages en sa faveur la première année, 6 % lors d’un second vote et 10 % lors d’un troisième vote. Désormais, il faudra que la proposition ait obtenu 5 % des voix sur un premier vote, 15 % sur un deuxième et 25 % sur un troisième. Le risque est donc de faire disparaître les délibérations des actionnaires sur les questions émergentes.

Les organisations américaines impliquées dans l’engagement actionnarial dénoncent cette mesure et « l’hypothèse non étayée selon laquelle les propositions d’actionnaires sont simplement un fardeau pour les entreprises sans avantage pour les entreprises ou les investisseurs [qui ne soutiennent pas les résolutions externes] alors que cinquante années d’expérience prouvent le contraire ». Pendant des décennies, ce processus a permis aux directions et aux conseils d’administration de mieux comprendre les priorités et les préoccupations des actionnaires, en particulier celles des actionnaires préoccupés par la valeur à long terme des entreprises. L’engagement des actionnaires a servi de « système d’alerte précoce » crucial pour les entreprises en matière d’identification des risques émergents et il existe des centaines d’exemples d’entreprises ayant modifié leurs politiques et pratiques à la lumière d’un engagement productif avec les actionnaires.