Les « obligations vertes » pourraient contribuer au financement de la transition énergétique mondiale, à condition de faire le ménage

Les estimations actuelles des besoins en capital pour décarboner l’économie mondiale et atteindre des émissions nettes nulles d’ici 2050 sont encore très imprécises. Elles représentent néanmoins des montants astronomiques. Ceux-ci s’échelonnent entre 1 000 milliards de dollars par an pour le groupe de réflexion Carbon Tracker et 9 200 milliards pour le cabinet McKinsey. De son côté, le Boston Consulting Group évaluait en 2020 que les besoins cumulés d’ici 2050 se situaient entre 100 000 et 150 000 milliards de dollars. Une étude de Bloomberg New Energy Finance datée du 6 octobre 2022 estime qu’il sera nécessaire d’investir 114 000 milliards de dollars dans le système énergétique mondial d’ici 2050 pour limiter l’augmentation de la température planétaire à 1,5 °C.

Comment réunir des capitaux aussi importants ? Les « obligations vertes » peuvent être une solution. Le 19 octobre 2022, John Howell de la revue américaine Climate & Capital Media a partagé son point de vue sur l’évolution de ce produit financier. La première obligation verte a été émise en 2008 par la Banque européenne d’investissement et la Banque mondiale. Entre 2014 et 2016, le marché mondial s’est accéléré. À ce jour, la somme cumulée des obligations vertes émises atteint près de 2 000 milliards de dollars, selon la Climate Bonds Initiative. Dans une analyse publiée le 22 mai, Moody’s prévoit que le montant mondial des émissions d’obligations vertes, sociales, durables et liées à la durabilité (GSSS) totalisera 1 000 milliards de dollars en 2022. Un chiffre qui avoisine le bas de la fourchette des besoins estimés.

Mais John Howell recense trois problèmes qui assombrissent cette perspective encourageante. Tout d’abord, le terme « obligation verte » englobe désormais des instruments qui ne visent pas nécessairement les mêmes buts. Certains ont des objectifs purement climatiques, d’autres intègrent des dimensions environnementales différentes, voire une combinaison de projets verts et sociaux. Ensuite, les objectifs de « performance climatique » sont déterminés par les émetteurs. Or, les pénalités et les bonus appliqués au coût de l’emprunt sont directement rattachés à la performance. Une analyse de Bloomberg News sur plus de 100 obligations liées à la durabilité en Europe a révélé que « la majorité était liée à des objectifs climatiques faibles, non pertinents ou même déjà atteints ». Les sociétés émettrices ont donc bénéficié de financements moins chers sans faire de grands efforts. Enfin, le journaliste spécialisé souligne que les changements sont en général moindres qu’il n’y paraît et s’apparentent parfois à du greenwashing. Les objectifs sont souvent trop vagues et trop laxistes.

John Howell conclut sa réflexion en précisant que le marché des obligations vertes est encore très jeune. Mais, malgré l’importance des besoins et les limites qu’il a relevées, la promesse qu’il peut financer le changement économique mondial espéré apparaît comme un objectif réalisable.