Les eurodéputés adoptent une position ambitieuse contre la déforestation importée. La Côte d’Ivoire assure que, dans un an, son cacao sera entièrement traçable…

La Côte d’Ivoire est le premier producteur et exportateur de cacao au monde. Cette denrée représente environ 40 % des recettes d’exportation du pays. Mais la filière fait l’objet d’accusations pour sa contribution à la déforestation, l’exploitation des enfants dans les plantations, le maintien dans la pauvreté des petites exploitations… Aux États-Unis, des Maliens ont engagé en février 2021 une action collective pour esclavage contre de grandes marques du secteur du cacao et du chocolat. Cette action n’a toutefois pas abouti à ce jour, au motif que la plainte n’a pas apporté de faits suffisamment tangibles pour établir un lien traçable entre les sociétés défenderesses et les plantations où les plaignants travaillaient. Ces derniers prévoient cependant de faire appel de la décision. De son côté, l’Union européenne insiste régulièrement auprès de la Côte d’Ivoire pour qu’elle accélère ses efforts afin de rendre sa production plus responsable. Pour appuyer sa demande, l’Union fait valoir l’évolution de la législation européenne en vue d’interdire les produits qui contribuent à la déforestation et d’instaurer un devoir de vigilance en matière de droits fondamentaux.

En novembre 2021, la Commission européenne a présenté sa proposition législative visant à introduire un devoir de diligence raisonnable obligatoire pour les produits vendus sur le marché de l’Union afin de s’assurer qu’ils ne sont pas liés à la déforestation ou à la dégradation des forêts. Mais les organisations environnementales et certaines formations politiques ont regretté qu’elle ait écarté plusieurs aspects essentiels. En effet, certains écosystèmes n’étaient pas pris en compte, et certaines matières premières avaient été oubliées. Le 13 septembre 2022, le Parlement européen a adopté sa position quant à cette proposition de règlement. Les associations et les partis écologistes ont salué un texte qu’elles jugent ambitieux.

Les eurodéputés ont fait entrer dans le champ de la réglementation toutes les entreprises, y compris les intermédiaires, de même que les sociétés financières participant au financement des firmes qui produisent, transforment ou commercialisent des produits favorisant la déforestation. Ils ont également étendu la liste des produits concernés, avec le caoutchouc, le maïs, la volaille, les chèvres, les porcs et les moutons, ainsi que le charbon de bois et les produits en papier imprimé. De plus, ils ont prévu une clause de révision pour intégrer les autres écosystèmes à risque (zones humides, tourbières, mangroves). La protection des droits humains liés à la déforestation a été prise en compte : accaparement des terres, atteintes aux droits humains – notamment envers les peuples autochtones et les communautés locales –, violence contre les défenseurs de l’environnement… Le Parlement, la Commission et les ministres européens vont désormais engager des négociations dans le cadre du trilogue en vue de rédiger le projet de loi final.

Même si la mise en place de ce nouveau règlement n’est pas pour tout de suite, l’échéance approche. La normalisation d’une filière prend beaucoup de temps. En marge du Forum européen du cacao qui s’est tenu à Rome du 13 au 15 septembre derniers, Yves Brahima Koné, directeur du Conseil du Café-Cacao (CCC) de Côte d’Ivoire, a assuré à son auditoire que tout le cacao produit dans son pays serait traçable depuis le champ de l’exploitant jusqu’à l’usine des exportateurs dès la saison 2023-2024. Pour aider à atteindre cet objectif, l’Association européenne pour le cacao (ECA) et l’Association européenne des industries de la chocolaterie, biscuiterie-biscotterie et confiserie (CAOBISCO) ont proposé de partager avec la Côte d’Ivoire et le Ghana (un autre grand producteur de cacao) des données sur les exploitations de la chaîne d’approvisionnement direct de leurs membres.

La traçabilité d’une marchandise est, en effet, une modalité essentielle pour s’assurer de sa « qualité sociale et environnementale ». Mais ce n’est pas le seul préalable. Il faut aussi que, sur le terrain, les conditions sociales et environnementales soient conformes aux attentes tout au long de la chaîne d’approvisionnement, et donc vérifiées grâce à des audits rigoureux.