Les États-Unis renoncent (presque) aux mines antipersonnel. Il faut avancer plus vite dans l’analyse des armes controversées par le secteur financier

Le 21 juin 2022, l’administration Biden-Harris a indiqué que les États-Unis restreindraient l’utilisation des mines antipersonnel terrestres. Cette annonce revient à une position prise antérieurement par l’administration Obama, mais invalidée par Donald Trump. La décision ne s’applique toutefois pas à la péninsule coréenne. Les États-Unis disposent d’un stock de 3 millions de mines terrestres antipersonnel. Ainsi, tout ce qui n’est pas nécessaire pour protéger la Corée du Sud devra être détruit. Néanmoins, cette exception empêche le pays de se conformer pleinement à la convention d’Ottawa. Des responsables américains espèrent réussir à le faire si des armes alternatives peuvent être développées pour garder la frontière entre la Corée du Sud et la Corée du Nord.

Les mines antipersonnel sont des engins conçus pour exploser du fait de la présence, du contact ou de la proximité d’une personne. En conséquence, la non-discrimination des victimes (militaire, civil, adulte, enfant…) est l’une de leurs caractéristiques. Ces engins peuvent être plus ou moins sophistiqués. Mais, quel que soit leur degré de sophistication, leurs ravages sont dramatiques. En 1997, les États ont adopté la convention d’Ottawa sur la prohibition des mines antipersonnel. Entré en vigueur le 1er mars 1999, ce traité interdit la mise au point, la production, l’acquisition de quelque autre manière, le stockage, la conservation ou le transfert à quiconque, directement ou indirectement, de ces mines. Plusieurs pays, et non des moindres (Chine, États-Unis, Inde, Russie…), n’en sont toujours pas signataires.

Dès le milieu des années 2000, des organisations ont commencé à interpeller les sociétés financières installées dans les pays ayant adopté la convention d’Ottawa, mais susceptibles d’investir dans des entreprises situées en dehors de ces pays et produisant des mines antipersonnel. Ainsi, le 4 mai 2006, l’association belge Netwerk Vlaanderen a interrogé par écrit le groupe AXA, lors de son assemblée générale, sur sa politique d’investissement dans les mines antipersonnel, les bombes à fragmentation, les armes nucléaires, l’uranium appauvri, les armes chimiques et le phosphore blanc. Claude Brunet, membre du directoire du groupe, avait alors répondu qu’AXA n’excluait pas de ses investissements le secteur de la défense et l’aéronautique tant qu’aucune convention internationale ne l’interdisait. Cette interpellation faisait suite à une série d’actions engagées à l’encontre de la filiale belge du groupe en 2005.

Il avait toutefois ajouté que le groupe venait de décider de mettre un terme à ses investissements pour compte propre dans les entreprises qui fabriquent des mines antipersonnel. Cette affirmation n’a cependant pas convaincu les associations Amnesty International et Handicap International, qui ont formellement demandé à AXA de cesser tout investissement direct ou indirect vers des fabricants de mines antipersonnel (notamment dans les sociétés Textron et ATK) et de bombes à sous-munitions (BASM). Face à l’absence de réponse du groupe à leurs questions, les deux organisations ont annoncé, le 1er mars 2007, qu’elles résiliaient l’ensemble de leurs contrats d’assurance avec l’assureur.

Cette décision a accéléré le mouvement de désinvestissement de certains domaines militaires controversés. AXA a donc révélé en juillet 2007 qu’il lançait le processus de désengagement de ses investissements pour compte propre dans les entreprises productrices de BASM. Il prenait également « acte du consensus politique qui se confirmait ainsi autour de ce type d’armes ». De son côté, Amnesty International a élargi son action aux grandes banques françaises BNP Paribas, Crédit Agricole, Natixis et Société Générale.

Les réactions aux interpellations sont parfois rapides. Mais, malgré les avancées, le mouvement d’ensemble reste très lent et incomplet. Plusieurs axes doivent encore être approfondis, qu’il s’agisse de certaines catégories d’armes, de la question spécifique des armes légères, des technologies duales ou du contrôle des destinataires finals, comme en témoigne la récente plainte déposée devant le Tribunal judiciaire de Paris contre Dassault Aviation, Thales et MBDA France pour complicité de crimes de guerre et crimes contre l’humanité présumés au Yémen.