La compagnie TotalEnergies quitte la Birmanie trente ans après y être entrée

Pour la première fois, le 30 mai 1994, Serge Tchuruk, alors président du groupe Total, était interrogé en assemblée générale sur la présence de son groupe en Birmanie. Le 21 janvier 2022, près de vingt-huit ans et trois présidents plus tard, TotalEnergies (ainsi que son partenaire Chevron) a annoncé son retrait du pays en tant qu’opérateur et en tant qu’actionnaire. Sa présence là-bas a sans doute été la première grosse épine dans le pied de la société et l’a propulsée sur le devant de la scène en matière de responsabilité sociétale. Dès l’origine, les organisations de défense des droits humains et de solidarité internationale ont soutenu que l’exploitation de ressources naturelles dans un pays contrôlé par une junte militaire présentait un danger pour les populations locales, et non pas un bénéfice.

Le 1er février 2021, les militaires birmans ont repris la main dans le pays après un début de transition démocratique entamée dans les années 2010. À la suite de ce coup d’État, les grandes entreprises étrangères ont fait l’objet de pressions de la part des associations, des syndicats, des investisseurs financiers et de certains États pour qu’elles cessent de subventionner les généraux. TotalEnergies fait partie de ces sociétés. Dans un premier temps, le groupe a déclaré qu’il conserverait le champ de Yadana pour ne pas interrompre la fourniture d’électricité indispensable aux populations birmanes et thaïlandaises et ne pas mettre en danger ses propres salariés. Puis, le 26 mai 2021, il a annoncé que la société Moattama Gas Transportation Company (MGTC), qui achemine le gaz du gisement de Yadana et dont TotalEnergies et Chevron détiennent 59,5 % des parts, suspendrait toute distribution de dividende à ses actionnaires. Avec 15 % des parts, la Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE), contrôlée par l’armée birmane, est l’un des actionnaires de MGTC.

Le 21 janvier dernier, pour la première fois depuis son implantation dans le pays en 1992, TotalEnergies a reconnu que le contexte conditionnait la qualité de la contribution qu’il pouvait avoir dans un pays, en l’occurrence la Birmanie. Ainsi, dans son communiqué, le groupe a déclaré que « le contexte qui ne cesse de se dégrader au Myanmar, en matière de droits humains, et plus généralement d’État de droit, depuis le coup d’État de février 2021, nous a conduits à réévaluer la situation et ne permet plus à TotalEnergies d’apporter une contribution positive suffisante dans ce pays ». L’entreprise a également reconnu qu’elle n’avait pas « été en mesure […] de mettre fin aux revenus dont bénéficie l’État du Myanmar via la société d’État MOGE au titre de la production du champ de Yadana. Ceci est en réalité matériellement impossible pour TotalEnergies, car l’essentiel des paiements liés à la vente du gaz sont effectués directement par la firme thaïlandaise PTT, acheteur du gaz à l’export ».