A Singapour, la santé des travailleurs migrants inquiète

Afin de limiter la propagation de la Covid-19 parmi les travailleurs migrants, Singapour a décidé, en avril dernier, d’isoler les vastes ensembles de logements où cette population vit et dort dans des chambres surpeuplées avec lits superposés. Quelque 320 000 travailleurs venus d’Asie du Sud ou du Sud-Est sont concentrés dans ces dortoirs. Ce verrouillage, qui a duré quatre mois environ, a eu des répercussions sur la santé mentale de ces ouvriers, par ailleurs sous-payés et confrontés à la peur de ne pas conserver l’emploi dont dépend leur famille restée au pays. Une récente vague de suicides et de tentatives de suicide parmi les migrants a accru l’inquiétude des ONG. Le 5 août, le ministère de l’Emploi a déclaré qu’il surveillait la situation et s’efforçait de renforcer les programmes de soutien à la santé mentale des travailleurs. Il a ajouté que par rapport aux années précédentes, il n’avait observé aucun pic de suicide dans cette population, mais n’a fourni aucun chiffre. De son point de vue, ces incidents résulteraient de problèmes familiaux exacerbés par l’angoisse des migrants de ne pas pouvoir retourner dans leur pays en raison des restrictions dues à la Covid-19.

Le gouvernement a procédé à une campagne de dépistage systématique dans les dortoirs. Le 7 août, toutes les personnes avaient été testées. Les tests ont révélé 51 868 cas de Covid-19, parmi lesquels 51 862 détenteurs d’un laissez-passer de longue durée ou de travail, 5 Singapouriens ou résidents permanents et 1 visiteur. Les cas de Covid-19 relevés dans les dortoirs représentent 94 % environ du total des cas recensés à Singapour et 16 % de la population vivant dans ces dortoirs. Ce dernier chiffre est à comparer à un taux de prévalence de 0,04 % dans la communauté singapourienne. Le dépistage effectué par les autorités a officiellement permis de lever le confinement – à l’exception de certains blocs servant de zones de quarantaine – et de réunir ainsi les conditions d’une reprise de l’activité de construction. Mais selon l’organisation de défense des droits humains Transient Workers Count Too, les employeurs peuvent limiter les déplacements des ouvriers hors des dortoirs, même si leur test est négatif, et la crainte de devoir rembourser les dettes élevées contractées pour obtenir un emploi à Singapour alimente les syndromes dépressifs chez les migrants.