La rémunération de Carlos Tavares met-elle en danger l’indispensable cohésion sociale de PSA ?

Président du directoire de Peugeot SA depuis le 31 mars 2014, Carlos Tavares n’est pas le mieux payé des patrons français. Il est encore loin de son homologue chez Renault, Carlos Ghosn – dont il a quitté l’équipe dirigeante en 2013 et qui pointe à 7,3 millions d’euros, sans compter son traitement chez Nissan – et plus loin encore de certains de ses homologues dans d’autres pays. Cela étant, le doublement de ses émoluments entre 2014 et 2015 (qui atteignent 5,2 millions d’euros) n’est pas passé inaperçu. Plusieurs paramètres peuvent participer à l’évaluation de l’acceptabilité de la rémunération d’un dirigeant d’une grande entreprise.

Tout d’abord, la légitimité. En l’occurrence, dans le cas de Carlos Tavares, celle-ci s’appuie sur la réussite de la première partie du plan de redressement du groupe (Back in the race), évaluée selon des critères établis par le conseil de surveillance de la société sur proposition du comité des nominations, des rémunérations et de la gouvernance, critères qui déterminent la part variable et le nombre d’actions de performance qui seront attribuées. Mais le niveau de rémunération atteint est-il juste ? Plus exactement, quel écart entre le salaire du dirigeant et ceux des salariés peut être considéré comme juste ? Comme il n’existe pas vraiment de définition qui fasse consensus, la rémunération des dirigeants des grandes entreprises françaises est souvent appréciée en fonction d’entreprises similaires et très souvent revalorisée lorsqu’elle semble décalée. Cette méthode ne peut être qu’inflationniste. Le traitement de Carlos Tavares s’établit à 300 fois le niveau du Smic pour l’année 2015 et 0,13 % de l’ensemble des rémunérations versées aux quelque 97 000 salariés du groupe (hors Faurecia), une échelle qui peut paraître à beaucoup injustifiée.

Par ailleurs, les éléments de rémunération des membres du directoire font l’objet d’un vote par l’assemblée des actionnaires. Même si ce vote est consultatif, il est pris au sérieux par les investisseurs, qui y voient le début d’une prérogative justifiée. Lors de l’assemblée de 2015, ces éléments avaient été validés par 78 % des votants (contre 58 % pour la rémunération du président de Renault). Les représentants de l’Etat français (qui détient 12,25 % des parts) ont déjà annoncé qu’ils voteraient contre cette rémunération lors de la prochaine assemblée, prévue le 27 avril prochain. Reste à savoir si cette position sera suivie par les investisseurs institutionnels.

Enfin, quelle part chacun des salariés du groupe a-t-il pris à cette réussite et à quel retour financier pouvait-il prétendre ? Le document de référence 2015 du groupe précise que « l’année 2015 a été caractérisée par la poursuite de la modération salariale pour contribuer au redressement du groupe ». Il y a là deux poids deux mesures, ce qui ne contribue pas à la cohésion sociale dont l’importance pour atteindre le niveau de performance recherché est pourtant largement soulignée dans le rapport.